Riqueraques en arbre fourchu
Les chemins de poésie expérimentale peuvent nous emmener ailleurs ou à une autre époque, par exemple vers des formes médiévales : ainsi qui connaît la "riqueraque" ne déguisant pas son origine onomatopéique ! Pour faire court, c'est une chanson qui devrait être en octosyllabes mais qui se trouve composée de vers...
un peu ric-à-rac en 6 ou 7 syllabes :
ô heptasyllabes chers à Apollinaire et certains autres symbolistes ou romantiques débroussailleurs de tradition.
deux vers de 3 syllabes, donnent bien 6 pulsations en tout :on retrouve ainsi le rythme de 17 du haïku !
et une forme assoupli de tanka.
La balade temporelle peut se poursuivre en découvrant ce qu'on appelle "l'arbre fourchu"... (un poème un peu calligramme comme me le suggère Monique) dont les branches des longs vers dépassent d'un tronc de petits.
I
Entre les parterres
Fragments de grès colorés
L'allée incertaine
Eventails d’or ciselés
Sous les troncs
d’ébène
Le sol miroite, ocellé,
Feuilles glissant en fontaines
La première guêpe
Étincelle
vagabonde
Vite ! faire un voeu.
Mon chemin croise la Grosne
La cigogne effraie les freux
Au grand sud du
Rhône
Francisea buis de Chine
Pétales sur l'eau
II
Goutte au robinet
un chaton vient boire
tout ce temps qui passe
Matous qu’on croirait jumeaux
L’un fuit l’autre agace
Ciel étrange aux animaux,
Ma tour ceinte de brouillasse
Pique-nique d'avant
Brouillard sur les hortensias
Dans l'ombre yeux qui luisent
Au bassin des Hirondelles
S’il fallait que l’on se dise …
À quoi songe-t-elle
Promenant sur l'entourage
Son regard de sphinx
II
Ouvrir la marmite
Masse blanche aux grains collés
Riz bon à chauffer
Pour la soupe de Grand-mère
Du riz... du poulet...
La recette qui m'est chère
Dois-je vous la révéler ?
Rizière nouvelle
En carrés
de couleur tendre
Canard cancanant
D'herbe tirant nourriture
Paisibles travaux des champs
Voile à la mâture
Derniers grains d’Antalaha
Océan d’écumes
IV
Lieu d’exposition
Au lieu de regarder l’œuvre,
son gardien qui rêve
Traits noir et blanc des tableaux
Toutes filles d'Eve
Ambiguës couleurs des peaux
Ou coule la même sève
Bruit d’eau en fontaine
Lèvres sur un bénitier
Vénus pierre nue
Près des vieux tamariniers
Silence d'une tortue
Dans un grand panier
Autant de mini-planètes
Des œufs bleus et gris
(mm) (bb)
V
Compter les iris
À l'heure de l'arrosage
Ma montre arrêtée
Brin de toilette avant l’aube
L’eau sans volupté
Mes phalanges se dérobent
Douche froide sans l’été
Baignoire vidée
une babouk se promène
dans un rond de lune
lunette de l’astronome
le moucheron devient dune
La chose m'étonne :
Un grain de pollen pourrait
Cacher le soleil ?
VII
Toile décrochée
l'étoile au-dessus de l'arbre
aperçue soudain
Ecrans, sources lumineuses
Dans l’espace éteint
Tête en l’air la promeneuse
Voit les télés des voisins
Bien après minuit
Se mêlant à la sono
Strass d'une guirlande
Ailleurs vers le centre ville
Rodeo motos en bande
Tel l'oiseau agile
Jouer avec la lumière
Sans rien déranger
VI
Nuit blanchie de brume
Au balcon
en vis-à-vis
Lumignons précoces
Avec le ciel étoilé
Pour traîne de noce
La pleine lune a comblé
Un rêve oublié de gosse
Grue à grande échelle
La fumée de cheminée
rejoint l’homme en bleu
Un flot de pigeons survolent
Piétons arrêtés au feu
Les branches s’immolent
Grand brasier froid de l’automne
Souffler sur les feuilles
VIII
Tremble aux feuilles d’or
Pas à pas je m’en rapproche
Pour en saisir l’ombre
Fleurs-lumière d'un buisson
Resté en pénombre
On peut deviner au tronc
Un visage au regard sombre.
Un air bergamasque
Sautillant sur le bitume
Flic-flac de la pluie
Cascavelle d'un kayamb
L'âme des Marrons enfuie
Boue couvrant les jambes
Dans l’entrelacs des racines
Franchir les ravines