L'étoffe du monde...
Tanka inspiré par Trois des
Cent Phrases pour éventails de Paul Claudel
"L’étoffe du monde
depuis le temps qu’elle sert,
comme c’est curieux qu’il n’y ait pas de trou
Tant de choses diverses
Et quand je ferme les yeux
je n'entends plus que la seule rumeur du torrent
Le ruisseau
Devant et derrière Moi
je cause à la fois avec tous les moments de sa vie"
Etoffe élavée
tant de nuages passent
aube au ciel de mai
mm
Le monde des arbres s'agite
quand deux écureuils se croisent
A l'intersaison
pivoine pourpre blanchie
d'une neige hors temps
bb
Mois de curieux métissage
peut-on vivre sans repère?
Un oiseau en chasse
laisse-t-il un trou discret
pour marquer sa place ?
mm
secrets sous le pot de fleurs
croissent des choses diverses
morille en automne
au printemps les oisillons
le chat ferme un œil
bb
Voir avec les yeux du cœur
Plus loin plus haut les étoiles
Chatouillis de plume
Entendre son rire encore
Après tant d'années
mm
Le premier pont libéré
Retour des rumeurs de rue
Un torrent de vie
Quelques-uns marchent masqués
Tous cherchent l’oubli
bb
Prairie aux coquelicots
Que traverse le ruisseau
De l'autre côté
Mon jardin à effeuiller
Bulbul droit devant
mm
Faire « le chien tête en bas »
Douleur refoulée derrière
En saluant l’astre
Répéter des mots écrits
Par d’autres que moi
bb
Causer avec la voisine
De son jasmin tricolore
Moments dérobés
Capter une chanson douce
Venant du coton
mm
« Adieu foulards et Madras »
est-ce pour la Vie hélas?
Film un peu cliché
Quoi ! l’étoffe des Héros…
Un tissu fragile
bb
Être une icône pourtant
Reconnue du monde entier
Mon rêve arc-en-ciel
S'est perdu dans la grisaille
Le temps d'une averse
mm
7H : l’embauche au chantier
curieux raclement de pelle
pour le bâtisseur
un immeuble c’est un trou
le béton y coule
bb
Enfouie sous nos cités
l'âme des choses diverses
Se fermer au laid
revenir à ces pivoines
au dessin léger
mm
mes yeux furieux de la pluie
lorsque leurs pétales tombent,
un bouquet de tiges…
j’entends les trilles des merles
moquant le cueilleur
bb
Liseron devenu nain
le vent n'est pas que rumeur
Se laisser flotter
pour résister au torrent
"tite fleur fanée"
mm
partout des ruisseaux de sève
nulle part les cantonniers
écrans d’herbes folles
penchent les murets de pierres
courir au Devant
bb
Zigzag des lézardes sombres
Feinter le monstre derrière
Cœur battant ravane*
Les ombres du champ de cannes
Accrochées à moi
mm
Causer pour causer
La voix aimée est caresse
Moment du départ
Ces gestes inconscients
Que l’autre retient
bb
Un fil d'Ariane à rebours
Ramenant la vie d'avant.
mm
ravane* : tambour traditionnel
de l'île Maurice
écrit entre printemps septentrional et automne austral,
Blandine Berne et Monique Merabet