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Phrases choisies

Le 1er mars 2023 : "Jamais personne au monde ne suit la ligne droite, ni l'homme, ni l'amibe, ni la mouche, ni la branche, ni rien du tout." Lacan

 

Dans la rue s’éteint le dernier néon

L’un de mes premiers gestes du matin

Je déplie mon corps en traîne-patins

Pour sortir d’un sommeil bandonéon

 

Emmitouflée dans un vieux kimono

A peine un pas depuis le canapé

Sur le béton de la terrasse glacée

La fenêtre forme un kakemono

 

Le grand pin recourbe ses branches

Les pruniers neigent en fleurs blanches

Rameaux du tilleul laissés nus

 

Forment un entrelacs ténu

Mais au ciel une cicatrice

De l’avion, la ligne directrice

(bb)

 

LES LISERONS, LACAN, ET MOI

 

Avant qu’ils se ferment contempler les liserons cachés sous les feuilles

l’un est ici l’autre là jamais où je les attends

 

Mes yeux papillotent à suivre les liserons en bleu vavangaj

leur parcours au mien ressemble dédaignant l’alignement

 

Circonvolutions des liserons volubiles je me sens complice

pour leurrer le temps rigide tracer contours et zigzags

 

D’un point à un autre les liserons nous apprennent chemin le plus long

que ne donnerait la rose pour quelques instants de plus !

 

Lacs et entrelacs les liserons font des boucles des cercles prisons

vite prendre une tangente cap tout droit sur l’infini

(MM)

 

 

8 mars : Mishima dans Neige de printemps 

           « Cet instant ressemble au pli qu'on pratique au milieu d'une feuille de papier ; l'envers devient le dessus, tandis que ce qui était visible se trouve à jamais caché. »

PLIER, DÉPLIER

Un pli après l’autre naîtront fleur, oiseau, grenouille… art origami

issue d’une page blanche l’histoire au bout de mes mots

 

Cahier refermé couverture empoussiérée au fond d’un placard

chanson douce ou chanson triste à tout jamais disparue

 

L’instant est passé où les choses furent dites les pleurs et les rires

sont devenus inaudibles quand on tire le rideau

 

Sens dessus dessous à la minuit se confondent l’envers et l’endroit

hier devient aujourd’hui ligne de partage horaire

 

Puisqu’il faut partir livre de vie, replié sur tous ses secrets

dans les plis de mon linceul s’engloutit un univers

(mm)

 

Si j'étais un origami, je prendrais peu de place, repliée sur l'axe de la colonne, chacune de mes articulations marquerait un angle : aisselles, coudes, poignets, et chaque phalange rangée, les unes au-dessus des autres avant de retrouver leur volume.

Si ma peau était en papier, le sculpteur marquerait du bout de l'ongle les endroits où placer les plis. Losanges, triangles, superpositions, diagonales, mon visage ou ma silhouette développés comme un portrait cubiste, si bien qu'on ferait difficilement la différence entre un Picasso, un Braque ou un portrait par Marcelle Cahn, dans années 20.

Je connais la grue, le lotus, le bateau, le jeu à qui je n'ai jamais donné de nom où l'on glisse 4 doigts pour faire choisir une couleur et déplier la sentence rédigée sous le bec à soulever.  Personne ne m'a jamais appris la cocotte. Moi je trouve qu'elle ressemble aussi bien à un chien assis sur un toit, et peut-être est-ce plutôt un coq, de ceux qui tournent sur leur axe pour indiquer la direction du vent.

 

plier déplier

la girouette se détourne

avion en papier

(bb)

 

Mercredi 15 mars 2023 :    « Même la plus humble carte postale, du moment qu’elle est manuscrite, garde la trace vivace de l’esprit et du temps de celui qui l’a rédigée. »  (Ogawa Ito, La papeterie Tsubaki)

ÉCRIS-MOI, VEUX-TU

Écris-moi veux-tu j’ai besoin de ces mots bleus tracés à la plume

pour que chacune se dise : « au bout quelqu’un pense à moi »

 

La carte jaunie coincée au fond du tiroir qui l’a envoyée ?

ces tendres baisers était-ce pour Élienne ou pour Constance *?

 

Mon cahier journal chaque matin vous écrit fleurs et papillons

un peu de l’âme étonnée d’un jardin épanoui

 

La lettre à Élise aux notes calligraphiées mieux qu’une tablette

choisir un piano pour lire ce que dit le musicien

 

Découper les timbres de ces lettres surannées destinées au feu

un parfum de fleurs séchées s’enroule comme un encens

 

* Elienne est le prénom de ma mère et Constance celui de sa soeur

 

(Monique Merabet)

Marcelle Cahn cligne ses yeux couleur du songe
Regard changeant pers et perçant
Qui peint géométriquement
Des femmes nues des maisons des éponges
Tout est cubique sous cet angle
Même le cadre fait rectangle 


Marcelle Cahn a des lunettes
Regard vitreux vitré mais rien de vieux
Dans son esprit ludique
Coller sur la carte des gommettes
Pareil détournement irrévérencieux
Sur l'enveloppe des mots poétiques

Marcelle Cahn ne voit plus les phrases
De l'amie 
sur la lettre plus de lettres
La carte postale devient fête
La tour Eiffel devient tête
Marcelle Cahn n'en fait qu'à la sienne
Les yeux de l'esprit
Voient toujours l'amie

 

(Blandine Berne)

mercredi 22 mars : "Dans la poussière des moutons, nous allions comme dans un nuage."  (Jules Renard, Journal)

 

JEUX DE MOUTONS ET NUAGES

Route provençale moutons devenus nuages gloire de poussière

la voiture prisonnière d’un retour de transhumance

 

Nos yeux d’enfants pleurent poussière et toussotements – Ah ! carder la laine…

le matelas de Grand-mère doit retrouver son gonflant

 

Oh tous ces moutons qu’on voit danser sur la mer sont-ils en nuages ?

en attraper un dit-on et tous les autres vont suivre

 

Chaleur au réveil sur un rayon dansent, dansent les grains de poussière

las ! les moutons du sommeil restent cachés sous le lit

 

Au ciel pommelé l’avion avance tranquille passagers dormant

sans savoir qu’une planète largue son trop plein d’ovins

(MM)

Première route : ma main dans celle de ma mère, ou de mon père ?

Le trottoir au milieu des vignes, périphérie lointaine de Perpignan. 

Le trottoir bordé d’ifs ou de troènes, forme et odeur des graines aux allures de berlingot.

L’été encore pulvérulent début septembre dans le climat languedocien.

De la caserne où j’habite, à l’école maternelle, encore inachevée. On disait plutôt première année que petite section, et dans mon souvenir, c’est le 12 septembre, jour de naissance de ma petite sœur (c’est pourquoi je pense que la main est celle de mon père) : j’ai 3 ans.

 

Seconde route d’un village de moyenne montagne. Nous sommes la dernière maison. 

En face des fenêtres de la cuisine les pré-Alpes et l’Obiou. 

Derrière la fenêtre de ma chambre semi enterrée, un pré où pousse des lupins. Où paissent des chevaux.

Devant le portillon, les moutons font un frémissement de vie et glissent vers la ville. Je n’entends plus le bruit de leur passage, mon souvenir morcelé de cette transhumance.  Septembre aussi ? Ils redescendaient de la montagne.

La lumière jaune sur leur dos, la laine sent le suint (mais peut-être est-ce un autre souvenir chez ma grand-mère, lorsqu’on lavait la laine plus grasse qu’une « casse de treuf’ » -poêle de patates sautées en patois bourguignon).

Dans mon souvenir, je suis maintenant loin de la maison, de l’autre côté de la route. A observer un chien noir que je n’ose caresser. Mais si, je touche sa queue avant qu’il ne soit hors de portée. Première morsure. J’ai 6 ans.

 

Troisième route. J’ai 9 ans. A proximité de Lyon, mais en banlieue. Enfin pour moi, Lyon n’existe pas encore. Ma mère ne conduit pas. Mon père toujours en déplacement. Ma sœur à garder.

Je vais à l’école à pied, toujours. Quatre fois par jour et : devant la caserne- à nouveau l’espace clos et suveillé- une petite rue où devait se trouver une usine de textiles. Dans la benne sortie au bord de la voie, ma mère avait ramassé des chutes de soieries, velours, damas, tulles à motifs floraux. Des tissus multicolores comme les nuages qui accompagnent la chute du soleil dans l’archipel des Tuamotu ou celui des îles Sous le Vent. Ces voiles du couchant aux Tropiques, je les connaîtrai plus tard.

 

Parfois il m’arrive encore quarante ans après leur création, de porter le béret ou l’étole cousue par ma mère avec ces pièces de tissus arrachées au rebut.

Une fois je suis retournée vers cette troisième route. La caserne a été entièrement rasée. Les deux barres de logements de 12 étages. 

La petite de 5 étages où j’ai habité. 

A 9 ans mais aussi à 16 ans. 

Les grands espaces des bureaux où mon père travaillait. L’infirmerie, les postes de garde où les gendarmes en faction portaient mitraillette (c’était avant le plan vigipirate, avant la guerre du Golfe mais déjà il y avait eu la mort de Malik Oussekine et nous avions l’impression de vivre dans une prison). 

Tout a été broyé, réduit à gravats. Une ville nouvelle se reconstruit dans la poussière de l’ancienne. Le ciel moutonne un peu – on ne verrait pas les Alpes, au-dessus du périphérique toujours bourdonnant de sa transhumance humaine.

(bb)

 

Mercredi 29 mars : "Il m'aura fallu plus de soixante ans pour savoir ce que je cherchais en écrivant, en lisant, en tombant amoureux, en m'arrêtant net devant un liseron, un silex ou un soleil couchant." (Christian Bobin, Pierre)

L’AMEN DES OISEAUX

 

Aux jardins du monde que serais-je sans entendre l’amen des oiseaux

il me faudrait plus d’un siècle pour comprendre un seul caillou

 

Carnet de voyage mes pas en terre picarde – marqué d’un silex

chacun des coquelicots offrant rubis à mes yeux

 

De l’autre hémisphère je transmets aux liserons sakuras en fleurs

rose et bleu en harmonie pour embellir ma journée

 

En tournant les pages lire est étrange voyage avec un ami

un renard ou une rose que l’on apprend à connaître

 

Roses du couchant se dissolvant dans la nuit n’en ai nul regret

je sais que demain à l’aube vous renaîtrez aussi doux

(mm)

Bienvenue la lune
Mieux que le filtre Instagram 
Clémente à la peau
L'âge limpide promet
Et croît sans pas de côté

Des pierres moussues
La lance d'une tulipe
Encore en bouton
Le jardin semble éternel
dos du jardinier usé

Avant le soleil
Il pioche les dents de lion
Pour une salade
Tant pis si les pissenlits
Effacent l'allée sablée

Des sources perdues
Sous la roche salazienne
Thermes asséchés
L'amour parfois se tarit
D'un rien la gorge se serre 

Bienvenue matin
Mieux que le philtre d'Iseult
fidèle est l'aurore 
Nuageuse ou mordorée
Ma consolation 

(bb)

 

Mercredi 5 avril : "J'ai dû quitter ma maison pour un lieu hostile, l'école. Au début, je n'arrivais pas à parler. Mais, petit à petit, cet exil fut ma chance."

 Susie Morgenstern, Mes 18 exils

 

Silence studieux
Mon diaphragme impertinent
Le hoquet s'envole 

Colle Cléopâtre
Pâte à modeler
Lai du rossignol
Hall carrelé
Lait chocolaté
Terreur de la corde lisse
Ho hisse ho hisse
Isthme de Panama
Marches en forêts
Herbier des leçons de choses
Oser lever la main
Main dans la main chanter haut ...chanter faux
Photo de classe
Lacets toujours refaits
Fête des mamans
manquer l'appel
Héliotrope en place de tournesol
Soliflore au lieu de vase
Segment remplaçant le trait
Trait d'union de l'école
Colle Cléopâtre....

Cartable en vacances
Au fond des feuilles froissées
Un nid de souris 

(bb)

EN SORTANT DE L’ÉCOLE

 

Sortie de l’école un brin d’herbe dans les yeux le vieux chat sommeille

sous le préau déserté qu’a-t-il appris aujourd’hui ?

 

Premier jour d’école seul sans son mouton si doux prisonnier du sac

l’enfant qu’on grandit trop vite se console de nuages

 

Sur le banc du fond celui qu’on appelle cancre demeure muet

et nul n’a jamais compris qu’il ne parle qu’aux oiseaux

 

Premier de la classe : « Je serai archéologue » dit-il fièrement

Hé ! tu iras à l’usine comme ton père avant toi…

 

J’ai quitté mon île pour ce lycée sombre et froid au-delà des mers

Petits poèmes en prose vous m’avez rendu lumière !

 (mm)

 

12 AVRIL : « Le vent a pavé la rue des pétales roses /du prunus déshabillé /où ton pas lent et morose / hésite comme à regret » (Rosemay Nivard, Voyages intérieurs)

L’automne est passé

ne nettoie plus les iris

la voix de ma mère

 

leurs lances vertes en deuil

des fleurs qui ne viendront pas

 

J’aime pourtant leur absence dans le jardin d’avril, comme j’aime l’ébouriffement des pivoines pourpre. Les iris me disent des contes d’enfance, qu’il faut se tromper pour grandir, à tout âge. L’an prochain j’écouterai la voix du temps éternel qui connaît les cycles et je détacherai les feuilles séchées, semblables aux mues de serpent, entre les bulbes terreux d’octobre. Ainsi reviendront encore les soies des pétales contournés couvrant la gamme, du crépuscule et de l’aube. 

 

Fiers iris blancs, boutons aiguisés encore roulés dans leur papier fripé, 

corolles Art Nouveau en coiffes de théâtre, 

violets presque noirs d’un ciel que j’ai vu à Bora, 

tout cela à attendre, 

à imaginer 

sans regret.

(bb)

 

VARIATIONS POUR FLEURS DE PRUNUS

 

Tapis de fleurs roses pour les faire virevolter rêver d’une flûte

et je poursuivrai ma route suivie d’un soyeux cortège

 

Sous un prunus lire les mots peu à peu s’effacent couverts de pétales

j’ai refermé le recueil sur les fleurs emprisonnées

 

Quelque peu virtuels ses pas de convalescente n’ont rien de moroses

lente avancée… vie en rose elle est debout ce matin

 

La bourrasque met à mes pieds marée de fleurs je trébuche un peu

et ne sais plus si je suis déesse de ne sais quoi

 

Allée des prunus l’enfant ramassera-t-il corolles tombées

pour d’éphémères bijoux ? préfèrera-t-il scroller ?

 (mm)

 

 

Pour le 19 avril : Crépuscule de printemps de Anh Tho 

« sur la route de la digue, l’herbe verte déferle sur l’herbe d’hier »

 

Après la grande jachère de la maladie et du deuil

Nos territoires horticoles rendus à eux-mêmes

Il est temps !

Il est printemps !

 

Bruits de tondeuses

Les rotofils débitent l’herbe fraîche en paillettes odorantes

Entre allées et pelouse, nulle frontière

Les pissenlits d’or saluent leurs aînés duveteux 

Près à l’envol.

Je cueille des bouquets de graines et ne saisit que des tiges

 

Akènes de nos souvenirs

Flocons chaleureux 

La semeuse du Larousse n’a pas à souffler sur nos jardins à défricher

Les dernières violettes 

enlacent 

les premiers fraisiers en fleur

faire le clair, les ongles soulignés de terre

il est temps !

il est printemps !

 (bb)

 

LA DIGUE DONDAINE

Sur le parapet mur endiguant la ravine l’enfant triomphant

son parcours sans effleurer les épis des graminées

 

Sur le chemin digue entendre l’herbe pousser écouter la mer

rien n’empêchera l’osmose de la terre et de l’eau

 

revers du talus que personne n’a fauché la mer sans fin cogne

sur l’autre versant ondulent vagues d’herbe au vert profond

 

Digue originelle séparant l’eau de la terre et l’herbe des algues

transgressant l’ordre divin clin d’œil des salicornes

 

La longue muraille digue surveillant le fleuve aujourd’hui s’écroule

et l’herbe marée de jade reprend ses droits ataviques

 

Haïku d’enfant : « ce qui me digdig les pieds c’est la chlorophylle

une ronde à la récré la digue digue dondaine »

 (mm)

 26 AVRIL "Le soir, les arbres gardent les lèvres serrées et refusent de lui dire quoi que ce soit." (Richard Powers, L’arbre monde)

 

LE SILENCE DES ARBRES

 

Arbustes muets où tournoient mouches et guêpes quête de pollen

Ce que l’arbre ne dit pas s’accroche aux plis de son tronc

 

Sur l’écorce vive que le temps a scarifiée lire tant de signes

Comme ceux qui s’entretissent sur ma peau parcheminée

 

Allées et venues bruissements d’ailes furtives… puis au crépuscule

L’arbre et l’oiseau se sont tus gardiens des secrets de nids

 

En saison de pluie sur le croton coupé ras une renaissance

Que disent ces pousses drues sinon un Alléluia ?

 

L’arbre fait silence quand la lumière lui donne surplus d’oxygène

Aux humains qui le partagent a-t-il réclamé mercis ?

(MM)


Petite silhouette noire à l'angle du sixième étage.
Le merle
Siffleur hors pair
Investit le ciel

Jardins pavillonnaires où êtes-vous ? Oiseau es-tu le même qui trillait sur le cèdre abattu
Pour laisser place aux humains
Je vois les lilas de la haie, la friche du verger, les chats alanguis sur les toits de tôle des jardins ouvriers, dédaignant de regarder le chanteur
Prompt à s'envoler
Je vois les arbres aux lèvres liserées de verdure, de part et d'autre d'une muraille de béton, Thisbé cherchant Pyrame.
Des branches du mûrier tombe la pourpre du passé, les chenilles mangent le ramage, les bouches des fruits de sang
Et le merle sur son toit terrasse 
"Les amants séparés font des gestes hagards" Aragon

(bb)

3 mai :

« Certains poèmes n'ont pas de titre
Ce titre n'a pas de poème
Tout est là dehors. »
Kenneth White


Presque le mirage d'une biche dans l'herbe trop haute de mai

Étoiles frêles et massives  des éoliennes, constellations tombées au milieu des collines

D'un petit voltigeur apprenant à marcher, l'arcade sourcilière qui cicatrise 

Le logo à tête de fourmilier d'une bétonnière

Le souvenir de l'odeur des chiots encore poisseux dans le placenta,
Si différente la naissance des cabris aux pattes pressées comme deux baguettes mal positionnées

Ces voix si connues : dans la rame du métro ou sur le quai de la gare,
femme ou intelligence artificielle ?

Les pensées que le vent dessèche
revenues à la vie en 30mn, avec juste 30cl d'eau

 

l'appel d'oiseaux invisibles

Le silence après l'essorage

moments poèmes 

tous à portée de moi,
Tous
Sauf moi

(bb)

 

TANKAS SANS TITRE

 

Poème sans titre ce tanka n’est qu’un fragment arraché au tout

à la fois bout de vécu et univers complet

 

Matin de fatigue page couverte de signes vide cependant

Le titre est ce chant d’oiseau : « Tout est là dehors » dit-il

 

À mon haïku se mêlent notes des trilles à lire uniment

Une infinité dedans une infinité dehors

 

Nos instants sans titre et si le temps nous était ruban de Moebius

Un parcours en continu sans un bord pour s’échapper

 

Qu’importe le titre quand le poème nous offre bruissement de mots

Ce que murmure le monde à l’oreille du poète

(MM)

10 mai :  Li Bo extraits de "L'écriture poétique chinoise" de François Cheng 

 

Tombent les fleurs, coule l'eau, mystérieuse voie...

L'autre monde est là, non celui des humains

VOIR L’INVISIBLE

Cirque des Salazes derrière les verts remparts comme une présence

Souffle léger des Marrons ancêtres à recréer

 

Pétales qui tombent l’impression d’apercevoir la vie invisible

Une pensée qui effleure une ébauche de pensée

 

Collé à la vitre le vent qu’on ne voit jamais s’est fait chat tigré

Pour un instant seulement feuilles en suspension

 

Ces rides au tronc est-ce mouvement de sève à travers les fibres ?

Que savons-nous du parcours des ramures souterraines ?

 

Taches de l’écorce : les pixels d’un paysage au-delà des sens

Le temps même n’a plus prise sur leur lent effacement

(MM)

 

J'appartiens à un monde de papier
Et le papier peut couper aussi sûrement que la lame
Même si au jeu du shifumi les ciseaux l'emportent
Le papier dont on fait des cloisons, poreuses à la lumière
Et des sculptures légères
Des avions de papier tout sauf long courrier
Des bateaux vite submergés 
Par la voie de l'eau
Des fleurs en crépon semblables aux œillets d'un poète venu de l'Orient vers Paris
Portant épée et veste fleurie d'immortelles

Mon monde de papier fait de rangées de feuilles
Dans toutes les pièces des bibliothèques
Certains ouvrages en piles, d'autres en biais, comme les pans de toits par-dessus leurs formats variés

A côté de moi, toujours un livre

On dirait des portes entrebâillées,
Ce ne sont pas des livres de poche mais des livres de main et même souvent de seconde main

Sur l'un d'eux je trouve l'empreinte d'un doigt couleur rouge à lèvres 
Mais peut-être est-ce le cinabre dont on colore les sceaux
Car le livre appartient à une calligraphe
Qui me l'a donné


Trace digitale
Ex libris involontaire 
Au milieu du texte
Sans savoir qui trouvera
Nos héritages de mots

(bb)

 

17 mai : « Il marche comme si chacun de ses pas était une chose qu'il trouvait sur terre et décidait de collectionner. » Josefine Klougart (née à Copenhague) L'un d'entre nous dort

 

Pas

Un pas

Marcher droit

Marcher pour soi

Soulever doucement

Alternativement

Nos pieds déclenchent l’errance

La foulée à notre image

Une empreinte, un don, une transe,

Territoire et pèlerinage

Les jambes sont des cisailles

Les cuisses font des couteaux

De la pointe à l’entaille

Le pas est cordeau

Rythme atone

Arpenteur

Cueilleur

Homme

 

(bb)

 

EN COMPTANT MES PAS

 

Compter les syllabes comme autant d’infimes pas menant au poème

Voyage intimiste écrit aux merveilles du matin

 

À pas de fourmi le vieil homme collectionne les derniers trésors

D’un ciel de nuages roses : ah, il fera beau demain !

 

Chacun de mes pas trace son sillon de sable délogeant les crabes

Qui sait s’ils n’étaient gardiens de coquillages sacrés ?

 

Retour au pays le plaisir des enjambées foulant le sentier

Aucun ailleurs n’offrira mousse si verte à ses pieds

 

Chaque pas l’éloigne un peu plus de sa maison les yeux embués

Son adieu aux paysages qui lui ont appris la vie

(mm)

 

 24 mai : « Ensevelie comme sous une avalanche, la semence connaît la ligne de croissance la plus directe pour affleurer à l'air libre » Erri De Luca, Grandeur nature

 

CES MOTS QUE JE SÈME

Ruisselante à l’aube terre où la vie a germé l’aimer plus encore

Pour cette espérance folle de renaître chaque jour

 

Dans la nuit j’écoute chanson douce de la pluie abreuvant la terre

Et au bout de chaque goutte se dressera une pousse

 

Retour de forêt, dans mes poches bombées graines en mélange

Fourmis magiques du conte viendrez-vous pour les trier ?

 

Ces mots que je sème avalanche sur papier d’arabesques mauves

Ils feront nombreux détours avant de toucher une âme

 

Grand remue-ménage : les oiseaux les alizés porteurs de semences

Un carré de mauvaise herbe ? non, parterre à haïkus

 (MM)

Il y a celles qui marcotent et celles qu'on bouture
Il y a les repiquées et les greffées
D'autres marronnent, certaines s'hybrident.
Les unes parasitent les autres. Plus délicates les épiphytes se posent sans contrepartie.
Quelques unes sont vivaces, nombreuses préfèrent jouer les Perséphone et quittent la terre pour plusieurs saisons.
Là-bas leurs racines tombent du ciel en lianes fertiles.
Ailleurs des bulbes plus coûteux que les diamants éclosent dans la première bulle capitaliste.
La mondialisation les a essaimées encore et encore. Les endémiques se font du mauvais sang ou plutôt de la sève.  Les acclimatées dépérissent ou colonisent.
Et nous ?
Que leur faisons-nous ? Restera-t-il même des pissenlits à suçoter par la racine ?

Plantes endormies
sous la neige carbonique 
Des forêts fossiles

(bb)

 Juin :  "Ma première leçon de calligraphie consistait à recopier, justement, ce caractère Yong, éternité. (…) Le point c’est l’homme. Le trait horizontal, la rive. Et le reste, l’eau qui coule, infinie, insaisissable…" Wei-Wei, Une fille Zhuang

 

AH, LA CALLIGRAPHIE !

 

L’homme n’est qu’un point un vibrion étonné comptant les étoiles

Sans faire l’effort de croire qu’elles sont infinité

 

Lune comme un point par-dessus le toit terrasse un instantané

Ancrant une éternité quand j’ai tiré le rideau

 

Ma main malhabile a fait basculer le yin du côté du yang

Apprendre à calligraphier cet insaisissable signe

 

La fleur qui se fane l’instant d’une observation embrasse une vie

Lors, le fleuve-temps nous semble flirter avec l’infini

 

Pinceau ou bien plume signes dansant sur la page sans faire de bruit

L’écriture nous impose un silence recueilli

(MM)

Souffle retenu
Le temps de tremper la plume
La feuille envolée

 

L'expérience d'une chute
Comme l'écriture cursive progresse entre les interlignes
A pas menus … en ronds jambages
Petit à petit les lettres se délient
Bientôt se précipiteront pour obéir au rythme de la dictée

L'expérience d'une chute
L'escalier descendu gravement
Lentement
Mais soudain le corps perd pied
Les pieds quittent le sol
Le sol rejoint le front puis le nez, le genou gauche et l'épaule opposée

 

Au sol étendue 
L'écriture manuscrite devient indéchiffrable
Trop de voyelles écrasées 
Le point toujours sur les i se décale, précipité comme un ballon que le vent déporte 
La rive semble glisser en même temps que l'eau du ruisseau. L'éternité en mouvement perpétuel sauf le corps étalé et pitoyable

Au sol étendue 
A plat comme un soulignement de l'incapacité à se redresser
Retrouver sa dignité d'homo erectus

Le temps d'un soupir
Retrouver la conscience
Et le corps intact

(bb)

14 juin : « La pli i tonm/La pluie tombe, je préfère à « Il pleut », qui dépossède l’eau de son action bienfaisante ou dévastatrice. (…) Et je la regarde, celle qui s’évertue à mettre en mots « sa » réalité, pas celle des autres. »

(Monique Séverin, La peine de l’eau)

La lettre oubliée et la pluie qui tombe encore effaçant les signes

Message subliminal d’un cœur qui a débordé

 

Pluie d’après-midi quand les mots de l’écrivaine deviennent les nôtres

Intimes et étrangers pareils à nous autrement

 

Les mots pour le dire : pli tonbé*… la pli i tonm terre abreuvée

Mérsi Bondié*… granmérsi d’un créole à un autre 

*créole haïtien

 

À seaux an farine litanie d’eau et de sons prose ou poésie…

Pour dire le chant des gouttes inventer « pluvionnaire »

 

Les gouttes joyeuses à sa fenêtre fleurie graines et noyaux

À ses plantes clandestines elle murmure jolis noms

 

Lète la ress déor

Békali ! la pli i done

lo mo la fané

Mon kèr i kap lo parol

sat son kèr la débordé

 

La pli tanto-la

andiré nou la ékri

bann mo lékrivèz

Nou la rante dann ron son lame

i arsanm la not poudbon

 

Koman i di sa ?

pli tonbé*… la pli i tonm

mayi va lévé

Mérsi Bondié*… granmérsi

nout kréol la fine braté

(*en créole haïtien)

 

Lo goute an pami

paké flèr dovan la f-nète

la lèv zot tousèl

Somanse fané an foutrak

èl i done tinon gaté

 

Farine… lavalass

lo i grène son viè romanse

sa fonnkèr la pli

Ma majine in « pli-yonèr »

pou guingne kap lo mo ki fo

(MM)

Temps de grande sécheresse
- en chaque homme un fils prodigue-

La course aux nuages
Troupe fuyante et lointaine
Nous laisse assoiffés

Si la pluie ne tombe
D'où viendront les arcs-en-ciel

Soleil déifié
Sans eau feuilles racornies
Roulées en cigare

Le trèfle pousse en rayons
Au plus près de sa racine

Telle est adventice
L'autre sera arrosée
Juge jardinier

Autre ombre au ciel
Quand il pleut des hallebardes
En forme de bombe

L'eau canalisée s'évade
Sans choisir entre les camps

(bb)

 

pour le 21 juin : L'horizon de Modiano : « Un vertige le prenait à la pensée de ce qui aurait pu être et qui n'avait pas été.
Ces fragments de souvenirs correspondaient aux années où votre vie est semée de carrefours, et tant d'allées s'ouvrent devant vous que vous avez l'embarras du choix."

 

 

Voilà sur la table de cuisine le dessin en noir et blanc des octaves d'un piano sans voix. On dirait un échiquier en anamorphose 

Avancée des doigts 
Pions devenus dames blanches
Saut de case en case

 

 

Je n'ai pas 7 ans. La professeure me donne des cours dans sa maison particulière, sur un piano droit, avec des chandeliers vides à hauteur de mon front.
Ou bien est-ce un piano similaire dans la chambre de mon arrière-grand-mère qui prend la place du souvenir. 
La pièce est noire et la méthode rose. Ah vous dirais-je maman... A la place de la mélodie, des sons plaqués entre deux silences.
Si nous n'avions pas déménagé, des Alpes vers la banlieue d'une grande ville, au milieu de ma seconde année de piano, peut-être saurais-je encore en jouer ou reconnaître le massif de l'Obiou.
A la mjc de la ville, il n'y avait plus que des cours de flûte traversière. Quelle chance aujourd'hui d'avoir mon instrument, le même depuis mes 8 ans, à peine retamponné.

Ma mère nous faisait le catéchisme dans la cuisine devant un poêle à charbon anachronique mais en activité. Le maître de CP emmenait notre classe pour des leçons de choses jusqu'aux Trois Croix.

 

Petit amoureux

une breloque au chaton bleu

trouvée dans la terre

 

Sur le chemin du calvaire 

enfouir le premier mensonge


Le jour du sport, on escaladait la corde à nœuds puis la corde lisse. Les matins de pluie, un grenier de l’école se transformait en gymnase, avec des espaliers au bois plein d'échardes. 
Après la Saint Jean on allait dans le petit train de La Mure en voyage de fin d'année et comme c'était mon anniversaire il me semblait que l'école entière m'offrait une fête.

 

L'enfance accueillie

sa naissance fut ailleurs

là-bas vu d'ici


Combien de choix sont les miens ? 

début de l'amour sans fin. 


Si j'étais née aux antipodes, ce jour-là aurait été le plus court de l'année avec la fraîcheur de l'hiver, même sous les tropiques. Au lieu d'enlever le poil à gratter du coeur des cynorhodons, pour en manger la pulpe gelée par novembre, j'aurais aimé lécher le sucre des cannes coupées dans le champ. 
J'aurais écouté à la vogue du village Maxime Laope et non les Compagnons de la chanson. Des lieux marquent nos racines même flottantes.


Des défauts au temps

ce pays pourtant vivant

bateaux de papier

Ex-Yougoslavie 

frontières perdues du Siam

cartographier 

 

l'existence sans contour 

nos mémoires hachurées
(bb)

CHEMINS DE VAVANGAJ

 

Le ciel anthracite comment sortir de l’ornière colère ou chagrin

La solution se dérobe ? changer pour un autre rêve

 

Les allées du conte aboutissent à choix multiples gazon ou bien ronces

Las ! Au bout du plus aisé n’est pas toujours paradis

 

Oublier matin tout ce qui aurait pu être et qui ne fut pas

Dans de glauques marigots tant de destins s'enlisent

 

Pistes de forêt parmi les hortensias bleus le chat m’a suivie

Puis nos chemins séparés près du kiosque pour pique-nique

 

Mes rêves remplis d’un fol enchevêtrement de trajets possibles

De Charente en Avignon passant par la Picardie

(MM)

 

Mercredi 28 juin      « De ma chambre obscure, je sentais que dehors, dans la pesanteur de l’air, le soleil déclinant mettait sur la verticalité des maisons, des églises, un fauve badigeon »  (Marcel Proust, Albertine disparue)

Tirer les persiennes

Au mur malgré la pénombre

Le tableau s’éveille

C’est un chemin retrouvé

Les herbes chassent les pierres :

 

Au lieu-dit La Grange du Bois, le sentier mène d’une roche à l’autre, à peine de quoi marcher par deux, 

les haies vives sont en fleurs ; des baies de pruneliers déjà ; trop tôt pour les mûres du roncier qui accroche parfois le pan flottant de nos chemises.

Le vieux Prieuré est au fond du champ comme un bonnet démodé sur des mèches blondes. Sans parole on tourne vers lui à l’intersection. Des feuilles de chênes rouies s’entassent sur la moitié du nouveau chemin …plus semblable au lit sec d’un torrent. On choisit le déséquilibre des pierres éboulées plutôt que l’incertitude d’un tapis en décomposition.

 

Dévaler soudain

Sous des châtaigniers de bronze

Course verticale

Penser au terrier d’Alice

Sa chute en apesanteur

 

On saute par-dessus des bouses géantes sans commune mesure avec les vaches miniatures posées dans le pré comme des mirages. Des indications de randonnées, un panneau annonciateur de « land-art » précède les vestiges de cabanes, deux galets scarifiés.

 Une plaque bleue de rue numérote un fagot où demeure… le génie sylvestre ?

 

Nouvelle croisée : à gauche les traces d’une voie romaine ; au nord, une boucle retourne vers la Grange du Bois, on pourrait faire un crochet pour prendre à la ferme des fromages de chèvre ?

On pourrait revenir quand le soleil décline, quand le clocher du Prieuré marque l’heure du repos. 

On pourrait alors relever les persiennes et quitter le tableau pour retrouver l’appartement bruissant des feulements de la ville.

(bb)

 LUMIÈRES ET OMBRES

 

Verticalité : la clôture à claire-voie striée de lumière

Quelque chose an misouk dérobée chez le voisin

 

Ce poids sur mon bras altération de lumière sur le mur d’en face

L’ai-je vraiment ressentie ou n’est-ce qu’effet du vent ?

 

Ici maintenant viennent les oiseaux d’ailleurs emplissant ma tête

Sans bouger de mon fauteuil mes mots aux couleurs du monde

 

Maison désertée par-dessus le mur d’enceinte un hibiscus fauve

Quand le soleil a migré c’est le seul îlot de vie

 

Contempler le ciel, chaque soir se renouvellent nuances de fauve

Triste est l’homme satisfait d’écrire volets fermés

(MM)

 

 

« Comme elle est consolante, l’immensité de cette profondeur étoilée. En la contemplant, la vie nous fait moins mal ; sur notre visage, tout échauffé par la vie, passe comme le signe léger d’un frêle éventail. » Fernando Pessoa Le livre de l’intranquillité (p.271)

 

La lune gibbeuse
Au bruit des feux de colère
Fermer l'éventail

Quand la nuit d'été ouvre les battants de chaque fenêtre, aucun sommeil ne résiste à ces détonations que les avenues d'ordinaire désertes répercutent comme les lamentations d'un chœur tragique.

Le front humide, l'oreiller chiffonné, le nez que titille une odeur de matières consumées.

S'accouder au balcon
Étranges pyrotechnies
A l'horizontale  

Qui peut retrouver les étoiles consolantes chassées par l'orage. Il pleut des grêlons de verre sous les abribus

Nos révoltes mouchent les étoiles comme une chandelle tandis que les mouches dorment en paix

Au petit matin
Scènes d'après monde
Slalom des cyclistes
Entre les gravats noircis
Le camion des balayeuses 

 

Une autre nuit vient, 

 

Le parc désert sinon le fantôme de Verlaine

 l’univers ouvert pailleté de galaxies

boire le lait des étoiles

une infusion à froid

blond cerceau de la tasse 

où tangue la pleine lune

(bb)

 

TOUT CE CIEL POUR MOI

 

Au-delà des murs l’horizon ne laisse voir qu’un carré de ciel

Ce que mon regard accroche témoigne d’immensité

 

Nouvelles du monde… à mon front j’ai ressenti légère caresse

C’est le vent dit l’ignorant, c’est un ange dit le sage

 

Mes pensées encloses au jardin devenu cloître et le ciel pour tous

Le béton qui monte, monte n’en cache qu’infime part

 

Éclipsant un peu l’immensité étoilée lune de juillet

Si légère est sa lumière qu’elle apaise nos blessures

 

Espace infini des frayeurs pascaliennes la nuit consolante

Nous brode un tapis mendiant d’étoiles pour mieux rêver

(mm)

 

 

Le 13 juillet : « Oh Kitty ! ce serait merveilleux si on pouvait entrer dans la Maison du Miroir ! Faisons semblant de pouvoir y entrer d’une façon ou d’une autre. »

(Lewis Carroll, De l’autre côté du miroir)

Souvent les autoportraits des peintres proposent au regard du visiteur leur dos au premier plan et leur regard voilé dans le miroir d’un second plan.

La redingote sombre, le pinceau à long manche, l’escabelle où s’équilibre sa palette. 

Dans la glace, les pieds sortent du cadre déjà doré de ce premier rectangle tracé par Velasquez

 

Miroir en bambou 

Vuillard au profil fuyant

Se pencher sur soi

 

Cadre rond enfermant le double de Mark Gertier sous la menace d’un samouraï sur estampe… après tout le portraitiste est aussi coupeur de tête !

 

L’anamorphose d’une sphère posée dans les bras d’une petite personne par Ignacio Zuolaga

 

profils miniatures 

reflets enclos dans des bulles

à jamais figées

 

Glace hexagonale

 le visage de Johannes Gumpp fait triptyque avec la toile 

et toujours le dos noir de l’artiste à l’ouvrage.

 

Tantôt frêle dans l’espace dilaté

A l’inverse trop vite montée en graine

Je me sens Alice :

les portes des tableaux nous demeurent inaccessibles.

(bb)

CES REFLETS QUI NOUS DÉRANGENT

 

Une ride en plus dit la glace de l’armoire en me surprenant

Ce reflet qui me dérange de l’autre côté ma mère ?

 

Lorsque mon reflet s’efface du miroir lisse je regarde en biais

Quel univers insolite ai-je laissé là derrière ?

 

Bassin au lotus ce désir fou d’attraper l’ombre d’une palme

Tant de poissons s’y faufilent entre réel et reflet

 

Au bassin vidé elle est revenue s’asseoir goûter au silence

Mais où flottent patchoulis et les cercles des crapauds ?

 

Un petit nuage semble me dire : « Suis-moi » avant de se fondre

Dans l’envers du bleu du ciel on verra la lune ronde

(MM)

"Le Jésus en jujubier accroché à la poutre nous comtemplait avec commisération tandis que, sur les murs, les anges poursuivaient les moineaux, des traverses aux piliers, du mur de l'Est au mur de l'Ouest, des marches en bois jusqu'au vieux clocher, d'où ils redescendaient ensuite." 

MO Yan Beaux seins belles fesses (p. 112)

 

Cinq voyages

 

Jujube Cinabre Traverses Septentrion…anges et putti ! 

mon voyage est par les mots le meilleur bilan carbone

 

Otmarsheim, Alsace, en entrant dans l’abbatiale, piliers en couronne

Fresque aux motifs de bleuets ma robe a même bouquet

 

Connaught Place, India:  comment retrouver le nord ? poursuite vaine

dans l’espace circulaire d’un alphabet inconnu

 

Les pluies de la nuit un miroir pour les nuages sur le toit-terrasse

avoir le ciel à ses pieds moineaux abreuvés d’azur

 

Japon sur papier : estampe et littérature depuis tant d’années

A arpenter chaque page, me suis-je assez rapprochée ?

bb

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